On doit à Jacob R Eckfeldt et William E. Du Bois "Le manuel des pièces d'or et d'argent de toutes les Nations frappées au cours du siècle dernier", paru en 1842. L'ouvrage, rédigé en anglais, est un livre destinés aux changeurs internationaux, mais aussi aux collectionneurs.
Une pièce d'or française du début du XIXème siècle : le double Napoléon

Comme l'indiquent ses auteurs dans leur introduction, ce livre de changeur se place dans la lignée de deux ouvrages qui faisaient office de référence jusque là, dont le "Traité des Monnaies" de M. Bonneville et "L'Universal Cambist", ouvrage anglais publié par le Docteur Kelly en 1821. Les auteurs sont assez fiers de proposer leur livre au public : "Depuis le début du XIXème siècle", écrivent-ils dans leur introduction, la France a donné la première référence dans le domaine des livres de change, l'Angleterre a fourni la seconde référence, et la troisième référence vient à présent des Etats-Unis..."
Un regard très intéressant sur les monnaies françaises
Quoi que l'on puisse penser du chauvinisme de leurs auteurs, le livre, qui présente les monnaies d'or et d'argent des principales nations de l'époque est très intéressant. Il est intéressant en particulier de voir comment les américains percevaient la France et ses monnaies au milieu du XIXème siècle. Nous présentons ci-dessous une traduction adaptée du chapitre consacré par Jacob R Eckfeldt et William E. Du Bois aux monnaies de la France.
La France était alors perçue comme un Empire, bien qu'elle ait perdu l'essentiel de ses possessions à la fin du XVIIIème siècle et après les guerres Napoléoniennes. Il faut dire cependant qu'en 1842 la conquête d'un nouvel Empire français en Afrique avait commencé depuis déjà une douzaine d'années, puisque la conquête de l'Algérie avait débuté en 1830.
Les deux auteurs s'attardent également longuement sur "l'admirable" système monétaire français mis en place à partir de la Révolution : le système monétaire décimal était perçu à juste titre comme la pointe du progrès. Par contre nos deux auteurs sont plus circonspects en ce qui concerne le titre de métal fin des monnaies qui était théoriquement fixé à 900 millimèmes, mais avec un degré de tolérance qui n'avait pas encore atteint des standards tout à fait parfaits au début du XIXème siècle.
Il faut lire ces lignes en songeant qu'au milieu du XIXème siècle les Etats-Unis n'étaient encore qu'une grande puissance en devenir : leur population n'avait pas encore dépassé celle de la France; il y avait alors environ 20 millions d'américains contre environ 35 millions de français. La Conquête de l'Ouest battait son plein, mais le territoire des Etats-Unis était encore loin d'avoir atteint ses limites actuelles; enfin, la ruée vers l'or en Californie n'allait avoir que dans quelques années (1848-1856)...
La France était alors perçue comme une référence technique et intellectuelle, mais aussi comme une grande puissance politique, au même rang que l'Angleterre. En ce qui concerne les monnaies françaises, elles étaient perçues comme particulièrement abondantes, la France étant alors une très grande puissance monétaire.
Dans les tableaux qui concluent l'article, et qui présentent les principales monnaies françaises d'or et d'argent depuis 1726, on trouve bien sûr les Louis d'or, mais aussi les Couronnes (Ecus d'argent), ainsi bien sûr que les Napoléons de 20 francs or ainsi que les doubles Napoléons (40 francs or), mais pas encore les pièces de 5 francs or, 10 francs or, 50 francs or ou 100 francs or qui ne verront le jour que postérieurement.
Traduction de l'Article France dans le "Le manuel des pièces d'or et d'argent"
FRANCE
Si l'on jette un coup d'oeil sur le monnayage de cet Empire au cours du siècle dernier, on peut remarquer qu'il est marqué par trois époques.
Au cours des années précédent 1726, il y avait une remarquable confusion dans le système monétaire. Des changements fréquents étaient appliqués aux monnaies, qui portaient à la fois sur l'étalon monétaire et sur la valeur des pièces. La conséquence de ces changements était une constante et prodigieuse dépréciation de la livre tournois, qui était la monnaie de compte. Par exemple, la livre de 1689, qui correspondait à un poids de 60,4 centigrammes d'or fin et à à 7,48 grammes d'argent fin fut, après une série de réductions, ramenée à un tiers de ces quantités en l'espace de seulement 31 ans (de 1689 à 1726, il y a eu, pour les monnaies d'or, 9 changements de la valeur de l'étalon or et autant pour les monnaies d'argent. Voir Bonneville, article France).
Une réforme était devenue nécessaire et en 1726, sous Louis XV, un refrappe générale des monnaies eut lieu, qui concerna à la fois les pièces d'or et d'argent, sur une nouvelle base. A partir de cette date, l'étalon fut régulièrement maintenu pendant de longues années. Les pièces d'argent restèrent inchangées jusqu'à la Révolution; mais en 1785, il fut jugé nécessaire de réduire le poids des pièces d'or qui furent refrappées selon un nouveau taux.
Il s'agit là des deux premières époques susnommées. Il faut noter que lorsqu'on évoque les "couronnes françaises" (c'est-à-dire les écus d'argent), c'est des pièces frappées à partir de 1726 que l'on parle. En ce qui concerne les Louis d'or c'est de ceux frappés à partir de 1785 que l'on pense.
La troisième époque fut la Révolution, qui fut une mauvaise période, à ce qu'il semble, pour le développement d'un système monétaire prudent [Cette période fut particulièrement néfaste : il faut se souvenir que les autorités de l'époque ont émis du papier monnaie baptisé "assignats", pour une valeur de 36 milliards de francs pendant une courte période de 5 ans (voir "La Révolution française" de Thiers)].
Cependant c'est en 1795, en l'An IV de la République que l'admirable système monétaire actuel commença à être mis en place, bien qu'il ait encore fallu 8 ans de plus pour qu'il soit parfaitement achevé.
"Le système monétaire décimal était à la fois complet et simple"
Ses bases n'étaient rien moins que les dimensions de la terre. Premièrement la distance de l'équateur au pôle, qui fut établie par de savants calculs, fut divisée en 10 millions de parties qui donnèrent le mètre, étalon pour les mesures longues, et qui valait 39371 inches. Puis un cube d'eau pure, à la température de fonte de la glace, fut utilisé pour mesurer la centième partie de ce mètre (qui fut baptisée "centimètre") et lui donner un certain poids, qui fut baptisé le "gramme". Le franc fut finalement déduit de tout ceci, par un simple étalon, que l'on peut à présent décrire. Toutes ces unités de mesure furent divisées ou multipliées sur une base décimale dans d'autres dénominations, grâce auxquelles le système était à la fois complet et simple.
Le franc fut d'abord l'équivalent de la livre. Mais comme l'ancien monnayage devint usé, sa valeur relative fut modifiée par la loi, une première fois à 80 francs pour une livre, puis, en 1810, 58 francs furent établis contre 60 livres.
La livre de compte était divisée en 20 sols ou sous. Le franc est divisé en centimes ou centièmes, mais il est habituel de coter 20 sous pour 1 franc.
Ci-dessous se trouvent les étalons de poids et le degré de pureté du métal pendant la période ici considérée.
Pièces d'or
De 1726 à 1784, 30 louis d'or furent frappés à partir du poids du mark français, à 22 carats d'or fin, avec une tolérance inférieure de 15 grains par mark pour le poids, et de 10/32ème de carat pour la pureté. D'après nos mesures (américaines), les pièces correspondaient à 125,9 grains de troy pour le Louis d'or avec une tolérance de moins de 1/3 de grain et un taux de fin de 916,7 pour 1000 avec une tolérance de moins de 16. Le Louis d'or valait 24 livres ou 4 couronnes. Les doubles Louis d'or et les demi Louis d'or avaient une valeur proportionnelle.
De 1785 à 1793, 32 louis d'or furent frappés pour un mark ce qui correspondait à 118 grains de troy pour chaque pièce. Les valeurs des pièce demeurèrent inchangées.
De 1794 à 1802, aucune pièce d'or ne fut frappée.
Par la loi du 28 mars 1803 (7 germinal an XI), qui reste toujours valable à l'heure où sont écrites ces lignes, 155 pièces de 20 francs, appelées Napoléons pendant le règne impérial, furent frappées pour un kilogramme, ou 1000 grammes, pour de l'or fin à 900 millièmes. Le double Napoléon, de 40 francs, se vit allouer un poids proportionnel.
Pièces d'argent
Par l'Edit de 1726, 8 3/10 d'écus, ou couronnes, furent frappés par mark, avec de l'argent fin à 11/12èmes. La tolérance était de 36 grains par mark; la tolérance pour le taux de métal fin était de 3 parties pour 288. D'après nos mesures, il s'agissait donc de 445,1 grains de troy pour chaque pièce, avec une tolérance de moins de 3.5 grains; et 916,7 millièmes de métal fin, moins de 10. Cette pièce fut évaluée à 6 livres et le demi écu en proportion.
En 1774, les plus petites dénominations de 1/5, 1/10 et 1/20ème d'écu furent ajoutées au monnayage.
En 1791, des pièces de 30 et 15 sols furent également créées, à un taux de métal fin des deux tiers, ou 666,7 millièmes, avec une tolérance de 7 millièmes, la plus grosse de ces deux pièces taillée à 24 8/35ème par mark, au poids, moins de 36 grains par mark ou 8/10ème d'un grain de troy par pièce.
Par un décret du 19 août 1795 (28 thermidor an III), la pièce de 5 francs et ses divisions furent introduites, pour 200 francs par kilo à un taux de fin de 900 millièmes. La tolérance était de 7 millièmes au-dessous ou au-dessus du taux légal. En ce qui concerne le poids, pour les plus grosses pièces, de 5 millièmes. Seule la pièce de 5 francs, cependant, fut frappée jusqu'à la loi de 1803. C'est à cette date que les pièces de deux, un, un demi et un quart de francs furent créées, les les limites du taux de fin furent réduites à 3 millièmes au-dessous ou au-dessus de l'étalon fixé à 900 millièmes de fin, et les pièces ne pouvaient donc pas avoir un titre inférieur à 897 ni supérieur à 903 millièmes de métal fin.
Les améliorations des techniques monétaires et en particulier dans le système de tolérance demandent quelques explications. Un certain degré de déviance par rapport à l'étalon est nécessaire, bien qu'il ne soit pas possible d'obtenir la perfection surtout si l'on travaille sur de grandes quantités. Mais cette déviance devrait être de plus en plus mince avec le temps, au fur et à mesure que l'art de la métallurgie se perfectionne.
La tolérance était établie à 16 millièmes pour les pièces d'or, mais par la loi de 1803 cette tolérance fut ramenée à 4 millièmes et la pratique actuelle qui est de 3 millièmes est sans aucun doute suffisante.
Mais il y eut une autre amélioration dans le nouveau système. L'ancienne tolérance reposait entièrement sous l'étalon légal, ce qui signifie que la pièce ne pouvait pas être constituée de métal d'une pureté supérieure à 916 millièmes, mais qu'il pouvait être aussi bas que 900 millièmes tout en demeurant légal. Ceci était une possibilité de créer des pièces d'un mauvais aloi, ce qui était loin d'être négligeable. Mais la nouvelle solution ment des deux côtés de l'étalon légal, au-dessus aussi bien qu'au-dessous et il y a une tendance à le maintenir à une moyenne, juste à la moitié.
Ces limitations introduites avec le système du franc, ont eu comme conséquence de donner une grande uniformité au monnayage français. Pour s'assurer de leur bonne application, il existe un système rigide de surveillance auquel les ateliers monétaires sont soumis.
Avant l'année 1772, il n'y avait pas moins de 31 ateliers monétaires dans le Royaume de France. A cette date leur nombre fut réduit à 18. 12 d'entre eux ont cessé leur activité, ce qui fait qu'à l'heure actuelle il ne reste plus que les Monnaies de Paris, Bordeaux, Lille, Lyon, Rouen et Strasbourg. Le monnayage de chaque atelier peut être identifié par ses marques d'atelier ou par une lettre. L'atelier de Paris est identifié par la lettre A, celui de Bordeaux par la lettre K; Lille, par la lettre W; Lyon par la lettre D, Rouen par la lettre B et Strasbourg par les lettres BB. Chaque monnaie a aussi une autre petite marque, comme une ancre, un lion, un caducée, etc, pour indiquer sous quel directeur elle a été émise.
La France est célèbre pour la quantité de ses espèces en circulation, particulièrement les monnaies d'argent. Ceci est corroboré par les statistiques des aletiers monétaires. Si l'on excepte le Mexique, il n'y a probablement pas de pays dans le monde qui peut se comparer avec la France pour la quantité de monnaie. De 1726 à 1840, une période de 115 ans, la somme totale de monnaie émise peut être estimée à environ 8,285 milliards de francs, équivalents à 1,558 millions de dollars. Pendant le règne du souverain actuel, jusqu'à l'année 1840, la moyenne annuelle a été de 134 millions de francs (25 millions de dollars), dont les 7/8èmes sont composés de pièces d'argent. Les monnaies françaises, particulièrement celles en or, sont fabriquées dans des quantités considérables.
Il existe quelques mines d'argent en France. En 1835, le montant extrait était de 1756 kilos. En 1836, 1895 kilos étaient extraits. Le produit annuel pourrait ainsi atteindre 400000 francs ou 75000 dollars.
La succession du gouvernement français jusqu'à la parution du présent traité a été comme suit :
- Louis XV, 1715-1774,
- Louis XVI, 1774-1793,
- République 1793-1804
- Napoléon (Empereur), 1804-1814
- Louis XVIII, 1814-1824
- Charles X, 1824-1830
- Louis-Philippe, depuis 1830, souverain régnant actuellement.
Tableaux des monnaies
Monnaies d'or
Denomination
|
Date
|
Règne
|
Poids en grains
|
Titre en millièmes
|
Valeur D C M
|
Louis d'or
|
1726-1773
|
Louis XV
|
124
|
897
|
4 79
|
Double Louis d'or
|
1774
|
Louis XV
|
250
|
902
|
9 71 1
|
Double Louis d'or
|
1786-92
|
Louis XVI
|
235
|
901
|
9 11 9
|
Louis d'or
|
1786-92
|
Louis XVI
|
116,5
|
900
|
4 51 6
|
Napoléon de 20 francs
|
1803-1814
|
Napoléon
|
99,2
|
899
|
3 84 1
|
Double Napoléon
|
1803-14
|
Napoléon
|
198,5
|
899
|
7 68 5
|
40 francs
|
1814-24
|
Louis XVIII
|
198,5
|
899
|
7 68 5
|
20 francs
|
1814-24
|
Louis XVIII
|
99,2
|
899
|
3 84 1
|
40 francs
|
1824-30
|
Charles X
|
198,6
|
899
|
7 68 9
|
20 francs
|
1824-30
|
Charles X
|
99,3
|
899
|
3 84 5
|
40 francs
|
1830-39
|
Louis Philippe
|
199
|
899
|
7 70 5
|
20 francs
|
1830-39
|
Louis Philippe
|
99,5
|
899
|
3 85 2
|
20 francs
|
1840-41
|
Louis Philippe
|
99,5
|
900
|
3 85 7
|
Monnaies d'argent
Denomination
|
Date
|
Règne
|
Poids en grains
|
Titre en millièmes
|
Valeur D C M
|
Ecu
|
1726-73
|
Louis XV
|
440
|
912
|
1 08 1
|
Demi écu
|
1726-73
|
Louis XV
|
212
|
912
|
0 52 1
|
Ecu
|
1774-1792
|
Louis XVI
|
444
|
912
|
1 09 1
|
Demi écu
|
1774-1792
|
Louis XVI
|
220
|
912
|
0 54 0
|
30 sols
|
1791-92
|
Louis XVI
|
153
|
667
|
0 27 0
|
15 sols
|
1792
|
Louis XVI
|
77
|
662
|
0 13 7
|
Six livres
|
1793
|
Louis XVI et République
|
445
|
912
|
1 09 3
|
5 francs
|
An IV
|
République
|
383
|
902
|
0 93 1
|
5 francs
|
1803-04
|
Bonaparte, Premier Consul
|
383
|
902
|
0 93 1
|
5 francs
|
1803-14
|
Napoléon Empereur
|
383,5
|
902
|
0 93 2
|
5 francs
|
1815-1824
|
Louis XVIIII
|
384
|
902
|
0 93 3
|
5 francs
|
1825-1830
|
Charles X
|
384,5
|
902
|
0 93 4
|
5 francs
|
1831-1838
|
Louis Philippe
|
385
|
899
|
0 93 2
|
Deux francs
|
dates variées
|
divers dirigeants
|
154,5
|
900
|
0 37 5
|
Un franc
|
dates variées
|
divers dirigeants
|
76,5
|
900
|
0 18 5
|
Demi franc
|
dates variées
|
divers dirigeants
|
38
|
900
|
0 9 2
|
Quart de franc
|
dates variées
|
divers dirigeants
|
19
|
900
|
0 4 6
|
Autres pages sur les monnaies françaises en or et en argent
Louis d'or
Pièces d'or françaises
20 francs or
Cours des pièces en or
Pièces d'or les meilleures offres (eBay France)
Catégorie monnaies d'or dans la boutique sacra-moneta
|